Cassy est une jeune fille qui, comme toute jeune fille de son rang, porte une attention soutenue à son apparence. Pas de manière excessive bien sûr, mais il serait faux de dire qu'elle est négligée ou qu'elle ne porte que des choses très simples, très sobres. Bien entendu, si vous la voyez passer dans un couloir vous ne vous retournerez pas forcément sur son passage ; il faut dire qu'elle n'est pas d'une beauté époustouflante, qu'elle n'a pas un visage atroce ou une taille qui la démarque des autres. Pour autant, on ne peut pas dire que Cassy soit quelqu'un dont le physique lui permette de passer inaperçue, de se glisser entre des personnes sans que qui que ce soit ne la remarque. La jeune Noble a une apparence générale simple et assez commune, mais bien des choses comme ses habits parfois ou son œil gauche font d'elle quelqu'un d'unique.
Commençons par décrire la demoiselle dans les grandes lignes. Il serait tout d'abord bon de préciser qu'elle est assez petite, puisque c'est un point de son apparence qu'elle n'apprécie réellement pas. Non pas qu'elle trouve cela disgracieux d'une manière ou d'une autre, non ; elle trouve au contraire qu'une petite taille est bien plus joli, pour une fille. Seulement il lui arrive de trouver cela énervant, particulièrement lorsqu'elle est avec une jeune fille de son âge-ou plus jeune, bien sûr-qui est plus grande qu'elle de manière assez remarquable. Et, quand on fait un petit mètre soixante et un, autant dire que ça arrive plus que fréquemment. C'est une des raisons-mis à part l'esthétique-qui fait qu'elle porte des talons. Petite, oui, mais aussi poids plume : Cassy ne pèse que trente-huit kilos, et a une ossature très fine. Peut-être un peu trop mince, cela ne se voit pourtant pas sur elle. Elle donne simplement l'impression d'une demoiselle tout-à-fait mince, jolie en somme, avec un tour de taille tout ce qu'il y a de plus normal pour quiconque porte un corset tout les jours depuis de longues années. Mais, à l'origine, Cassy était loin d'être une jeune fille très mince et élancée. A vrai dire, il y a quelques années elle avait des formes beaucoup plus généreuses-sans bien sûr être en sur-poids d'une quelconque façon, évidemment. Elle a littéralement 'fondu' l'année de ses quinze ans, gravement complexée suite à une remarque de son frère ainé, qui même si elle se voulait simplement taquine, l'a profondément marquée. Moralité, elle fait très attention à cela, à présent, et c'est plus ou moins le sujet sur lequel il ne faut pas appuyer. Enfin, sauf si bien évidemment vous tenez à la blesser, mais ce serait peu charitable. Enfin. Elle a aussi de jolies formes, bien qu'assez peu marquées au niveau de sa poitrine. Ses hanches sont bien dessinées, accentuées bien sûr par les corsets à répétition. Mais, oui, sa poitrine n'est pas très présente : pas totalement absente, mais pas imposante du tout pour autant. Cassy a donc une silhouette fine, élancée bien que d'assez petite taille, pouvant très facilement passer inaperçue dans une foule quelconque.
Pour ce qui est des détails, maintenant. La jeune Noble à beau avoir seize ans, son visage est encore quelque peu rond peut-être, doux, tout en courbes. Pourtant si on la regarde, on lui donne difficilement moins que son âge réel. Un an en-dessous, un an au-dessus, suivant les tenues ou les coiffures qu'elle peut se faire, bien sûr qu'on peut se méprendre ; mais contrairement à d'autre on ne peut pas se tromper radicalement. Cassy n'a pas le visage d'une enfant, pas plus que celui d'une jeune adulte. Elle a le visage d'une adolescente, tout simplement. Sa peau est quant-à elle assez pâle, toujours froide. Oui, curieusement, elle a toujours froid ; peu importe combien de temps elle restera assise au soleil, ses mains en particulier resteront d'une douce fraicheur, si ce n'est pas un froid réel. Ça peut être surprenant au début, mais ce n'est nullement grave : elle n'est pas malade, c'est simplement quelque chose qui est là mais qu'elle ne s'explique pas. Elle a un petit nez, une jolie bouche, et de grands yeux en amande. Enfin, de grands yeux ; en général on n'a le loisir que d'en voir un seul, le droit. Le gauche est couvert par un cache-œil noir et doré, sobre et formel. Ce n'est pas qu'elle a perdu un de ses yeux, ni que sa vue est diminuée quelque part ; ce n'est même pas son initiative ni sa demande, à vrai dire. Parce qu'en vérité, la demoiselle a les yeux vairons : et si déjà cette particularité peut paraître gênante en soit quand vous regardez quelqu'un en face, le fait que les deux couleurs n'aient absolument rien à voir l'une avec l'autre le rend encore plus perturbant. Le droit est d'un joli bleu, cobalt, et le droit d'un doré plus proche du jaune. Autant dire qu'en effet, cela procure un regard vraiment particulier. Regard que sa mère trouve étrange et n'a jamais pu supporter. Moralité, elle cache le plus étrange des deux. Mais pour décrire l'apparence d'une demoiselle, il faut bien entendu s'attarder sur sa chevelure : et comme beaucoup de personnes, Cassy est assez fière de sa chevelure. Très longs, bleu/argentés, c'est une des choses qu'elle préfère chez elle-sans doute aussi parce qu'elle peut à peu près s'en figurer l'apparence aux yeux du reste du monde. Elle les coiffe la plupart du temps en deux couettes hautes, de chaque côté de son visage ; ainsi coiffés ils tombent au creux de son dos, raides et disciplinés. Elle n'aime pas trop changer de coiffure mais il lui arrive de les arranger de manière plutôt compliquée, principalement quand elle doit aller à une soirée quelconque.
Pour ce qui est de la façon dont elle s'habille, ce n'est rien de très étrange ou farfelu-ou bien involontairement, en ce cas. Elle aime mettre des bandeaux dans ses cheveux, ou des rubans. Elle affectionne particulièrement un genre de bandeau bien particulier, dont elle attache les extrémités à ses couettes. Pour ce qui est du reste, Cassy ne porte bien sûr que robes ou jupes, faisant une croix claire et nette sur les pantalons. Les shorts, à l'extrême limite. Pas trop courtes, pas trop longues, pas trop serrées mais pas trop lâches non plus : elle n'est pas particulièrement difficile, mais a des critères bien particulier. Du côté des chaussures, elle est un peu plus laxiste. Bottes, escarpins..., la jeune fille aux cheveux clairs n'a pas de préférence, tant qu'elle les trouve jolies et qu'elles vont avec le reste. Pour les talons, c'est de même assez variable : on peut passer du presque plat à plus de cinq centimètres. Tout dépend, encore une fois, même si les hauts talons sont plutôt réservés aux grandes occasions. Au niveau des coloris, il est évident qu'elle ne risque pas d'avoir de préférence. C'est sa mère ou les servantes qui la connaissent bien qui choisissent et mettent les couleurs ensembles pour que ce soit joli et bien assorti, en général. Elle a quelques tenues uniquement noires et blanches, qu'elle met principalement quand elle veut manifester son mécontentement envers le reste du monde. Il arrive aussi qu'elle prenne des vêtements, des bijoux et des accessoires qu'elle trouve joli sans se préoccuper du reste ; quand elle fait ça, elle s'éclipse généralement pour éviter de croiser ses parents. Ça aussi, c'est une forme de protestation silencieuse. Même si la plupart du temps ça ne dure pas, puisqu'elle ne peut s'empêcher de se demander si elle n'est pas trop ridicule. Elle a-do-re les bijoux, de même : les jolis colliers, les bagues, les boucles d'oreilles..., elle n'en porte pas excessivement, se contentant de jolies parures allant avec le reste de sa tenue, mais en possède une véritable collection. Venant de ses parents, de ses frères, de ses amis ou de ses investigations personnelles.

Cassy est une jeune fille indécise. C'est le pilier de son mode de fonctionnement, en quelque sorte : beaucoup de ses traits de caractère en découle, et en partant de là on la comprend bien mieux que si on en faisait abstraction. Alors, oui, c'est une demoiselle pire qu'hésitante. Un coup ceci, un coup cela, plutôt ça ou finalement ça..., elle n'arrive strictement jamais à se mettre d'accord avec elle-même. Ça peut paraître ridicule et être relégué au second plan, mais quiconque la connait un minimum sait que ça peut vite devenir agaçant ou handicapant. Parce que si ça peut faire sourire quand elle met deux heures à se décider entre les chaussures avec la fleur à droite et celles avec le motif à gauche, pris à plus grande échelle ce n'est pas aussi futile. Proposez lui d'aller ici ou là et elle vous demandera de choisir, prétextant que ça lui importe peu, qu'elle s'en moque. Demandez lui de choisir entre le dessert au chocolat et celui à la vanille, et elle vous dira de prendre le même que vous. Elle est constamment en train de faire reposer ses choix sur ceux des autres, et dès qu'on la laisse en face de deux chemins c'est la catastrophe. Droite, gauche? Impossible de choisir. Et si la plupart du temps elle finit toujours par faire un choix, il lui arrive aussi de se bloquer complètement et de refuser d'aller où que ce soit. C'est tout simplement que Cassy a peur de se tromper, de faire un choix qu'elle regretterait par la suite ; en conséquent elle choisit de faire le moins de choix possible quand elle n'est pas sûre du résultat. Comme ça si ça lui plait, tant mieux, et s'il s'avère que l'autre solution était la meilleure elle peut toujours mettre ça sur le dos de l'autre. C'est aussi une question de réflexion. La demoiselle aux longs cheveux clairs est beaucoup plus porté sur la réflexion que sur les actes, et en général elle préfère réfléchir pendant trois heures à si c'est bien ou pas plutôt que de foncer tête baissée dans la clôture. Évidemment, ça peut être vu comme une qualité, que de savoir prendre son temps pour réfléchir plutôt que de tout de suite réagir, sans penser aux conséquences : mais au bout d'un certain temps et dans certaines situations c'est handicapant et stupide. Elle le sait pertinemment, et pourtant elle ne semble pas vouloir changer : c'est son côté tête de mule. Autre chose qu'on remarque sans mal quand on parle avec la jeune Noble, c'est qu'elle n'est pas du genre à aller au bout de ses idées. Elle peut dire qu'elle fera ça, et décider que c'est trop dur pur finalement abandonner. Si elle dit qu'elle va vous faire la tête, il y a fort à parier pour qu'au bout d'une journée ou deux elle en ai marre et revienne vous parler. Si elle décide d'un seul coup, sur un coup de tête, qu'elle va ranger elle-même sa chambre et aider les servantes, cette belle volonté risque de s'éteindre en très peu de temps. Elle parle, mais elle ne fait pas. Trop fatiguant, trop exaspérant, ça demande trop de volonté ou de travail, alors tant pis, on va faire autre chose. De même, elle reste rarement à faire les même chose : elle peut décider d'aller se promener dehors puis décréter que finalement elle préfère jouer avec son frère pour au final décider d'aller lire dans sa chambre, avant de ne se rappeler qu'elle doit aller parler avec une de ses amies, la chercher pendant dix minutes puis en avoir marre et se rendre compte qu'il fait beau, dehors, et qu'une promenade ne serait pas une mauvaise idée. Savoir où elle est relève de l'impossible, elle est toujours en mouvement, dans le château, dans les jardins, dans la capitale, partie voir un de ses amis ou rendre visite à un membre de sa famille. Les seuls moments où elle reste en place sont les repas, le soir et lors de ses cours. Et encore, ceux qui l'intéressent un minimum : parce que dès que vient l'heure des cours de maintiens, par exemple, elle devient insupportable et aussi énervée qu'un jeune chaton. Ajoutez-y sa mère qui fait des commentaires, son petit frère qui peut se mettre à crier pour avoir de l'attention d'une seconde à l'autre et Samuel qui ne rate jamais une occasion de la déconcentrer et ça devient vite ingérable. Non, les seuls cours qui captent son attention sont ceux de..., son frère. Elle s'est prise d'un amour inconditionnel pour les virgules, les additions, les divisions euclidiennes, les inconnues et les vecteurs depuis trois ans. Un amour inconditionnel au sens strict du terme : elle a réussi à obtenir de sa mère de pouvoir suivre les cours de mathématiques de Samuel, sous réserve qu'elle sois d'une assiduité irréprochable durant les cours de piano, de violon et de danse ; et autant dire que s'il a le malheur d'émettre le moindre son parasite, il risque sa vie. Parlez lui de mathématiques et vous verrez son œil s'allumer comme un feu de forêt, aucun doute là-dessus. Si certains pourraient discourir pendant deux heures sur la beauté d'une langue, sur l'utilité de l'amour ou sur le bien-être qu'apporte tel ou tel sport, elle elle pourrait vous faire une thèse sur l'importance, la beauté et le bien-être que lui procurent les mathématiques. Pourquoi? Allez savoir, mais elle adore les chiffres. La physique et la biologie, non, aucun intérêt. Mais les chiffres..., la déranger pendant qu'elle fait ses exercices est un acte de suicide pur et simple. Il lui arrive d'ailleurs souvent de faire des calculs dans sa tête quand elle s'ennuie ou ne sait plus quoi faire.
Pour ce qui est du reste, Cassy est loin d'être une jeune fille agressive, méchante et hypocrite. Elle est aussi loin d'être une sainte sans défauts, gentille et aimable, aidant son prochain dès que l'occasion se présente. Non, elle est totalement égoïste, et lui demander de vous prêter quelque chose semble revenir à essayer de le lui voler. Jamais rien de ce qui lui appartient ne peut être porté ou touché par quelqu'un d'autre, sous réserve qu'elle soit juste à côté et que ça ne dure qu'un instant. Comme si elle était persuadée que vous alliez le lui voler. Il en va de même avec ses amis : ses amis sont SES amis, il faut insister lourdement sur le possessif. Si elle décide qu'elle vous aime bien, osez parler à quelqu'un d'autre et elle va vous expliquer calmement-ou pas-que cette personne n'a absolument aucun intérêt. En revanche, c'est une vraie pie chapardeuse. Si par malheur elle voit chez vous quelque chose comme un bijoux, un petit bibelot ou quoi que ce soit de ce genre là qui lui plait, le mettre dans sa poche ou dans sa manche ne va lui poser aucun problème, que ce soit physique ou moral. Ce collier lui va mieux qu'à vous, de toute façon. C'est ce genre d'attitude qui lui crée parfois des problèmes, d'ailleurs. Disons que son regard est facilement attiré par tout ce qui brille, en quelque sorte. Et même si elle ne le met jamais pour que vous ne le remarquiez pas, elle le gardera dans un petit coffret, caché dans un endroit précis de sa chambre, et le sortira pour le contempler de temps à autre. Un peu cleptomane sur les bords, en quelque sorte-même si elle ne voit pas du tout le problème, son frère ainé passant bien son temps à lui voler ses affaires, avant. Elle n'a rien contre le mensonge, et l'utilisera comme la plupart des personnes par facilité, si elle juge ne pas pouvoir dire la vérité pour une raison ou une autre. Cela étant elle essaie un maximum de ne pas trop mentir, de sorte à ne pas se retrouver dans une situation abracadabrante dont elle ne pourrait plus se sortir. Elle n'est pas particulièrement exubérante, mais pas particulièrement renfermée non plus ; si c'est l'impression que vous avez d'elle, c'est qu'elle est souvent plongée dans des montagnes de réflexion, quand elle est seule. Elle est rêveuse, et il lui arrive de 'déconnecter' lorsqu'elle parle avec quelqu'un d'autre, parce qu'une pensée en enchainant une autre, fatalement..., elle est donc parfois un peu dans la lune, mais pas tête en l'air pour un sou : elle n'oublie jamais rien, et peut se vanter d'avoir une bonne mémoire. Pas de là à se souvenir de tout et n'importe quoi, mais assez bonne pour ne jamais avoir eu de vrais ennuis de ce côté là. Cassy est facilement irritable, mais ne fait que de petites colères. Elle s'énervera, tapera du pied par terre et vous criera peut-être dessus, mais après avoir poussé un long soupir exaspéré elle vous aura sûrement déjà pardonné. Si elle ne dit rien à propos d'une situation et qu'elle se renferme dès que vous évoquez tel ou tel sujet en revanche, mieux vaut se méfier. Éviter la bataille lui est coutumier, et elle aura tendance à ne pas vous expliquer clairement pourquoi elle vous en veut si vous lui avez vraiment fait quelque chose qu'elle juge grave. il se peut donc qu'elle vous en veuille terriblement pour quelque chose que vous jugiez stupide, une broutille, parce qu'elle ne vous aura jamais dit à quel point ça l'avait énervé ou l'avait fait souffrir. La jeune fille a tendance à penser que les autres devraient voir quand quelque chose ne va pas, et leur en veut quand ce n'est pas le cas.
Côté cœur, c'est encore une autre histoire. Il y a des personnes qui tombent très facilement amoureux, d'autres qui alignent les conquêtes et d'autres encore qui attendent le vrai grand amour : Cassy ne fait parti d'aucune de ces trois catégories. Disons que le mot 'amour' ne revient dans la conversation chez elle que quand elle en parle avec ses amies-chose qu'elle adore faire, comme beaucoup d'adolescentes. Mais même si elle peut dire le contraire parfois, l'amour n'a jamais été quelque chose de vraiment concret chez Cassy pour la simple et bonne raison qu'il lui est strico-sinsu impossible d'aller se déclarer à qui que ce soit. Oh non, Ô grand jamais! La simple idée d'aller dire à quelqu'un qu'elle l'aime la paralyse, et elle s'en va. Et si quelqu'un venait lui dire qu'il l'aimait, il y a de grands risques qu'elle le repousse à présent. Elle est intimement persuadée que si elle se déclarait, on la repousserait invariablement. Et elle a eu, selon elle, sa dose de fin du monde pour toute une vie.

Ce fut un noir samedi 19 Août, à 4.56, que Cassy Eerhie vint au monde. Fille de deux Nobles de 27 et 26 ans, Amiel et Dolores Eerhie, elle fut dès sa naissance très bien entourée et aimée ; Que ce soit par sa mère, heureuse d'avoir enfin eu une fille, par son père, qui était soulagé que tout se soit bien passé ou par ses deux frères ainés, curieux et amusés de voir une petite fille aux grands yeux vairons arriver dans leur vie. Oui, disons que sa naissance se passa sans encombre et qu'elle vint animer de nouveau la vie de ses parents, déjà assez remplie avec leurs deux fils ainés, qui à l'époque avaient respectivement neuf et trois ans. Dès lors, la petite Cassy était prédestinée à devenir la jeune fille qu'elle est aujourd'hui : riche, entourée d'absolument tout ce qu'elle pouvait bien désirer, aussi cher ou futile soit-il, de robes et de bijoux, de luxe et d'oisiveté. Durant les premières années de sa vie elle reçut toute l'attention désirée, même s'il était fréquent que ce soit une servante qui s'occupe d'elle quand ses parents devaient s'absenter : une servante, ou ses frères. Même s'il l'ainé suivait déjà des cours, l'autre passait le plus clair de son temps à parler à sa sœur-ou à essayer, plutôt-et à lui jeter ses affaires dessus pour qu'elle joue avec. Cette situation dura environ quatre ans. Quatre ans, parce que c'est à cet âge là qu'ils ont remarqué que leur fille avait un problème : même s'ils en avaient eu des indices auparavant, ce n'est que là que ça leur sauta aux yeux. Ça arriva tout simplement quand la jeune servante qui s'occupait d'elle l'avait emmenée dehors, et qu'elle lui avait montré une fleur en lui disant qu'elle était rouge, d'un très joli rouge. Elle a eu le droit à un regard interloqué de la petite, qui a hoché la tête a montré la fleur en disant qu'elle était 'rouge', tenant à montrer qu'elle avait compris. Et, en rentrant chez elle, voulant montrer à sa mère qu'elle avait apprit quelque chose, elle avait montré sa robe et dit qu'elle était rouge. Et que les murs aussi étaient rouges, d'ailleurs. Au début ses parents crurent que c'était la jeune fille qui s'était amusée à lui raconter n'importe quoi, mais ils ont vite du se rendre à l'évidence : s'ils montraient un objet bleu et lui disait que c'était bleu, elle irait invariablement montrer quelque chose dans les même tons en disant que ça aussi, c'était bleu. Il leur a fallu plusieurs long mois pour mettre le doigt sur le problème, ne pouvant pas comprendre la manière dont leur fille voyait les choses : tout bleu, tout rose, tout vert? Uniquement deux couleurs, ou peut-être les inversait-elle? Et impossible pour la fillette d'expliquer ce qu'elle voyait à ses parents : c'était comme ça, voilà. Mais étant donné qu'elle semblait trier par ton et qu'elle pouvait aisément repérer le noir et le blanc des autres couleurs-tant qu'elles n'étaient ni trop foncées ni trop clairs-ils ont fini par se dire que pour elle, le mot 'couleur' ne devait pas même avoir de sens. Et ça a été comme une douche glaciale, principalement pour sa mère. Ça ne sembla déranger que modérément son père, qui se demandait plutôt comment elle ferait, plus tard, avec son handicap ; et ses frères semblaient trouver ça extrêmement drôle de la voir dire qu'une robe orange était rose ou qu'une chemise bleue était verte. Il fallait dire que si à quatre ans elle ne se rendait pas bien compte de ce qui pouvait bien lui arriver, elle comprit très vite que ce qu'elle voyait, les autres ne le voyaient pas comme ça. Et autant dire que ça a été très dur de lui faire assimiler ça, encore plus quand elle ne pouvait pas même imaginer ce qu'ils voyaient, eux. Et comment lui montrer les couleurs? Impossible. Son père se pencha sur la question, mais il savait très bien ses recherches vouées à l'échec. Leur petite fille voyait ainsi, elle verrait toujours ainsi. Il abandonna donc bien vite, et essaya simplement d'éviter de parler inutilement de couleur devant sa jeune fille. Dolores, elle, fit un véritable blocage là-dessus. Elle parvint finalement à l'explication-plus désespérée que basée sur quoi que ce soit de réel-que ce devait être son œil gauche qui handicapait le droit. Après tout, elle avait toujours trouvé ça anormal, d'avoir les yeux de deux couleurs différentes : alors depuis son sixième anniversaire, sa mère la força à porter un cache-œil, jugeant que ce serait sans doute mieux pour elle et qu'ainsi, peut-être recouvrait-elle la vision des couleurs.

Depuis dix ans qu'elle le porte, tout lui semble toujours aussi gris et terne. Pour autant, jamais elle ne l'a enlevé : en général elle a le droit à moins de regards de travers en le portant qu'en fixant ses interlocuteurs avec un œil d'un doré intense et un œil d'un joli bleu clair. Et puis ça gêne moins sa mère, alors c'est un mal pour un bien.

La mère de Cassy était issu du milieu bourgeois : aussi avait-elle toujours des amis en ville, n'appartenant pas à la Noblesse, à qui elle rendait régulièrement visite. Il y avait en particulier une certaine Solaine, amie de longue date, qui avait deux enfants : Nicolas et Maude. Nicolas, un jeune garçon d'un an de plus que Cassy qui ne tenait pas en place. Maude, une petite fille née quelques mois seulement après elle, calme et timide, qui allait sans cesse se cacher derrière son frère. Et quand elle les rencontra pour la première fois, à cinq ans, ça a littéralement été le coup de foudre. Elle a fixé Nicolas avec ses grands yeux vairons, et a le plus simplement du monde déclaré que quand ils seraient grand, ils devraient se marier. Chose qui avait beaucoup fait rire sa mère, qui avait dit qu'ils y réfléchiraient quand elle serait plus grande. Au fil des années la jeune Cassy continua d'aller voir plus que régulièrement les deux enfants, devenant de plus en plus amie avec la jolie Maude, et de plus en plus proche de Nicolas. La jeune fille aimait tout particulièrement aller se promener dans les Parc avec eux quand elle avait le temps, pouvant à la fois aller cueillir des fleurs avec son amie et se chamailler gentiment avec le garçon. Et, au fil du temps, ses sentiments évoluèrent : ils changèrent, se précisèrent, la déroutèrent et semblèrent finalement s'installer pour de bon. Oui, ça n'avait rien d'étonnant puisqu'après tout elle connaissait cette personne depuis longtemps, et qu'elle l'appréciait plus que de raison. Mais pour une petite fille d'une dizaine d'années, tout cela lui semblait loin d'être clair, alors elle ne dit rien. L'amour, voilà un bien grand mot : les seules fois où elle l'entendait était quand ses parents lui disaient qu'ils l'aimaient, ou quand Samuel le disait à son ami, Dany, les fois où elle les épiait. Et curieusement, jamais Gaël ne l'avait dit à Rebecca, sa toute jeune fiancée. Alors non, l'amour, c'était vraiment loin d'être clair. Pourtant, elle se rendait bien compte qu'elle ressentait quelque chose. A chaque fois qu'elle sentait sa main serrer la sienne, qu'elle regardait son sourire innocent et timide..., oui, bien sûr. Mais aux yeux du monde elle persistait à accrocher le bras de Nicolas en disant qu'ils se marieraient, plus tard. Même si elle aurait tellement préféré se marier avec Maude.
L'année de ses onze ans, Nicolas se fit un ami-de la Noblesse aussi, si elle avait bien tout suivi-qu'il ne quittait plus. Toujours fourrés ensemble à faire Dieu seul savait quoi de stupide, comme beaucoup de garçons : pour autant, les deux demoiselles qui étaient toujours avec lui s'en sentir un peu délaissée. Pour Cassy, rien de grave : quand elle le voyait elle se contentait de lui sourire en lui disant qu'il n'avait pas intérêt de trop l'oublier, auquel cas elle lui ferait souffrir le martyr quand ils seraient mariés-puisque oui, elle persistait sur cette voie ; mais pour Maude, ça semblait beaucoup plus grave. Bien sûr il continuait de jouer et de parler avec sa jeune sœur, mais moins qu'avant. Et pour une petite demoiselle timide et effacée, jolie mais complexée, qui n'avait guère beaucoup d'amies avec qui elle se sentait à l'aise, ne plus constamment pouvoir compter sur son frère semblait lui peser. Pourtant, elle ne lui dit jamais, et fit comme si de rien n'était. Ce fut aussi cette année là que son frère ainé se maria, et que naquit la petite Emilie. Ses cours s'intensifiaient, et elle pouvait de moins en moins aller rendre visite à Maude et Nicolas. Elle promit à son amie d'aller la voir deux fois plus souvent ensuite, pour se rattraper : et c'est en effet ce qu'elle fit. La jeune Cassy alla passer du temps avec son amie dès qu'elle le put l'année de ses douze ans, ne lui laissant pas le temps de se lamenter sur quoi que ce soit. Et puis le fait de ne pas voir les couleurs l'handicapait plus que de mesure, et quand ça n'effrayait pas ses camarades ils se moquaient d'elle, ou lui posaient dix mille questions auxquelles elle ne voulait pas répondre. Que Maude, elle, s'en moquait : elle ne parlait jamais de couleur, rien que des formes ou des motifs. L'année de ses treize ans, la naissance de son jeune frère Adriel l'empêcha à nouveau d'être aussi présente qu'elle l'aurait voulu. Et c'est là, sans le vouloir, alors qu'elle s'étaient disputées sur quelque chose de stupide, que Cassy a laissé s'échapper les trois mots qu'elle regretta le plus par la suite. Trois mots qu'elle avait longtemps ressassé dans sa tête, en la regardant sourire, en lui parlant, en lui confiant ses secrets. Et le silence qui a suivi a été plus éloquent pour elle que n'importe quel mot qu'elle aurait pu prononcer, alors elle est partie en courant, elle est rentrée chez elle aussi vite qu'elle le put. Et durant plusieurs mois, elle s'est contentée de suivre ses cours, de surveiller son petit frère, d'aller rendre visite à Gaël, Rebecca et Emilie, de réconforter Dalia et de couvrir les idioties de Samuel. Ce n'était pas qu'elle ne voulait plus la voir, mais simplement qu'elle avait peur de sa réaction, si elles se reparlaient un jour. Et très certainement que si elle n'avait pas eu une longue discussion avec Samuel à propos de ça, elle n'aurait plus jamais été lui reparler-même si cela aurait sans doute paru étrange à sa mère, qui allait assez régulièrement rendre visite à son amie de toujours. C'était le seul avec qui elle pouvait parler de ça, et à contrario elle était bien la seule avec qui il pouvait parler des problèmes qu'il avait avec Dalia, ou ceux moins fréquents mais présents qu'il avait avec son ami. C'est suite à cela, plusieurs mois après, qu'elle est retournée frapper à la porte de Nicolas et Maude. C'est Solaine qui lui ouvrit, et il ne fallut pas plus de deux secondes à sa fille cadette pour descendre les escaliers et s'accrocher à la nouvelle arrivante en lui disant qu'elle lui avait terriblement manqué.
C'est à peu près à cette époque qu'elle arrêta d'accrocher sans cesse le bras de Nicolas pour plutôt accrocher Maude.
Malheureusement, ces quelques mois où elle se sentit mieux que jamais ne durèrent pas. Tout bascula de manière tragique quand Nicolas mourut, l'année des quatorze ans des jeunes filles. L'année de la guerre civile, qui plus est. Cassy ne sut jamais vraiment ce qui c'était passé, et elle doutait d'ailleurs même que son amie elle-même ait compris. Toujours est-il qu'il est mort, c'est un fait, et que rien à présent ne serait vraiment plus comme avant. Tout ce qu'elle avait compris concernant sa mort était qu'apparemment ce serait un accident, et qu'éventuellement son ami serait assez largement impliqué. Le reste, elle n'en entendit jamais parler. Et puis Maude changea, radicalement. La mort de son frère la marqua plus que profondément, et elle en fit une vraie crise de nerfs. Au début, elle se contentait de dire qu'elle allait chercher Nicolas, qu'ils devaient l'attendre pour manger, qu'elle allait cueillir cette fleur là parce qu'il les adorait. Elle refusa purement et simplement d'accepter qu'il était mort, allant jusqu'à dire qu'elle l'avait vu il y avait quelques instants, qu'il était parti dans la salle de bain. Et puis, elle se mit à parler toute seule. Au début Cassy ne s'en inquiéta pas, se disant qu'elle devait penser à voix haute. Mais elle se mit à avoir de vraies conversations avec son 'frère', riant ou s'inquiétant, s'énervant ou soupirant aux remarques qu'elle croyait entendre. Progressivement elle accepta le fait qu'il était parti, mais pas qu'il était mort pour autant. Elle devint distante, froide, agressive par instants : et même avec Cassy, sa mère ou son père, ses autres amis elle se montra plus que blessante. Les choses ne furent certes plus jamais les même entre elles, mais elle continua de venir la voir et d'essayer de l'aider, comme elle le pouvait. Au cours des deux ans qui suivirent sa santé mentale ne s'arrangea pas, mais n'empira pas clairement non plus : aujourd'hui elle est généralement assez calme et arrive à tenir des conversations avec les personnes qu'elle apprécie, mais devient souvent très violente, parfois sans raison apparente. Ça peut aller de crier sur son interlocuteur à jeter tout ce qui lui passe sous la main à la figure de l'autre : les seules personnes qu'elle accepte de voir et avec qui elle semble être plus calme sont ses parents et Cassy. La jeune fille au cache-œil n'a jamais réellement pris part à la guerre civile, pas plus qu'elle ne s'inquiéta de la situation et des personnes à la tête du royaume : elle ne comprend strictement rien à la politique, et ça ne date pas d'hier. Elle n'a perdu personne durant cette guerre, et était déjà du bon côté d'Illea, aussi ne s'en préoccupa-t-elle pas, laissant ses parents en discuter entre eux avec ses frères. Elle accueillit la naissance d'Aurélie et Samuel junior avec un certain enthousiasme, faisant de son mieux pour paraître heureuse malgré la mort de Nicolas et la 'perte' de Maude qui eurent lieux quelques mois seulement avant. De même, elle ne fit qu'un sourire forcé à Dalia quand elle tomba enceinte, partagée entre joie et colère : d'un côté elle la comprenait, et de l'autre elle savait que Samuel tenait à elle, d'une certaine façon, et que le déshonorer n'avait rien d'un remerciement. Et elle ne fut pas surprise outre-mesure quand, après l'accouchement, elle constata que cet enfant n'avait de son père que le nom.
En résumé, Cassy a toujours de très bonne relation avec sa mère, même si elle l'agace parfois. Elle respecte beaucoup son père, et lui obéira toujours. Elle voit régulièrement Gaël et Rebecca, qu'elle trouve très gentille et sympathique, et ne manque pas une occasion d'aller voir Emilie, le petit Samuel et Aurélie. Elle parle très régulièrement avec Samuel, et adore discuter avec Dany-qu'il voit toujours, et elle éspère que ça durera encore longtemps ; en revanche elle évite le plus possible de voir Dalia, qu'elle ne porte pas dans son coeur, mais trouve Noémy adorable. Elle aime terroriser son frère de trois ans, Adriel, et ne cesse de se faire punir sur ce point. Elle va régulièrement voir Maude, même si elle dort souvent quand elle vient la voir ; et si elle éprouve toujours une grande affection envers elle, depuis deux ans elle s'est résolue au fait qu'elle ne reverra jamais la Maude qu'elle connaissait. Sinon, et bien, elle vit gentiment sa vie, va voir ses amis, se promène au château en ville, et fait tout ce qu'une jeune fille de Noble naissance doit faire dans sa vie.